mardi 19 mars 2013

10 jours avant le deux ans


À 12 jours de ma fête, je survivais de peine et misère. Je me maintenais, surtout, miraculeusement hors de l'hôpital. Mon psychiatre, pour je ne sais quelles raisons, ne faisait que tenir l'épée du séjour en psychiatrie au-dessus de ma tête, nous négocions le prix de ma liberté, à chaque semaine.

Je suis un peu pourrie pour cacher mon état réel faque je ne pouvais pas tant lui en passer une. Anéwé, la lividité de mon teint parlait tu seule, de même que les larmes qui coulaient sans arrêt, pour rien, les cernes que j'avais jusqu'au menton, les mots que j'alignais de plus en plus difficilement. Je ne voulais pas retourner "là". Je ne voulais pas être loin de l'enfanterie. Je revoyais le Fils qui pendant des mois avait peur, chaque fois que nous devions nous séparer, qui s'assurait que je ne retournais dans "mon" hôpital, le soir, en se couchant.

Je savais surtout que ce lieu, ce n'était pas ce qu'il me fallait pour aller mieux. L'affaire, c'est que le courage que ça prend dans la vie pour être libre et faire-ce-qu'il-faut pour jaillir de ce qui nous contient et nous étouffe, ça semble toujours Everest. C'est parce que ça l'est, aussi. Mais si j'ai retenu une chose des deux dernières années et surtout des derniers mois, c'est que nous avons des ressources infinies. On ne peut mourir parce que ça ne va pas. Ça semble idiot, là, énoncé de même, mais pour toutes ces fois où je ne comprenais pas pourquoi mon corps persistait à ne pas mourir, c'est un fait important à considérer. On y arrive, esti.

Un an, sept mois et un tiers [mi-octobre]

Les anxiolytiques rythment ma journée. 

Un comprimé au couché. Il amortit les effets des levés à toutes les deux heures, aide à ce que je puisse rapidement replonger dans le sommeil, s’il est toujours là. Il atténue, surtout, l’insomnie, celle générée par la crainte d’être réveillée, le son d’un pleur, d’un couinement, d’une toux.

Un comprimé au réveil. Indolence nécessaire pour couvrir la rage d'être la seule à me lever et pouvoir enchaîner les gestes avec un semblant de légèreté. Le couteau se fait moins lourd dans la main, le pain se tartine mieux, les oreilles se ferment davantage au bruit ambiant. J’assume que les bas des enfants soient dépareillés et qu’ils ne s’agencent pas au chandail, c’est tout dire. Tout ça pour être à côté de moi-même et alors, peut-être, un peu plus près de tout le monde.

Un troisième comprimé est nécessaire, souvent, à l’approche de la fin de l’après-midi,  pour lutter contre l’anticipation de ce qu’il y aura à faire, de toutes les phrases qu’il faudra dire et redire, de cette solitude partagée à coup de « Qu’est-ce qu’on mange? », « Peux-tu lui donner son jus? », « Je crois qu’il faut acheter de la litière pour le chat ».

J’aime ces bonbons migrateurs.

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