samedi 15 juin 2013

Ouin.

J'avais entrepris une sorte de mission pré-deux-ans-de-Fille. Je voulais relater l'année 2012, l'année de marde, parce qu'un besoin de silence et mon enlisement dans le réel m'avaient retenue d'écrire et de décrire les coups que la batte à clous existentielles se plaisaient à m'asséner. Mais j'ai un peu fouarré. Un post par jour, pendant deux semaines, ça demande un peu de temps, pis il y a eu la préparation de la fête de l'enfanterie, mais il y a surtout eu de la gêne. Plus précisément un genre de honte.

Je m'étais arrêtée en octobre, à ce jour où le Père des enfants a cessé d'être le Mari. Je me retrouvais tuseule, sans emploi avec une santé mentale très pas à son meilleur. Y'avait à peu près plus rien, là, devant. Y'avait juste les p'tits, collés su moi, dans le présent. Un esti de long présent qui ne finissait plus de pas finir. Les journées passaient, elles avaient toutes le même goût fade, le même goût de vomi remâché. Je me tenais debout parce que j'étais bien entourée, des amis qui, à chaque instant, étaient là, me poutraient. Parce que j'avais juste une envie, peut-être deux: la douche, habillée, en position fœtale et la position fœtale sul plancher. Les jours où j'avais les p'tits, je me vautrais dans ce cocon de nous, je m'enfonçais dans le jeu, je les bordais pendant une éternité. Les larmes qui, habituellement, roulaient non stop, cessaient, en leur présence. Jusqu'à ce qu'ils dorment. Fille continuait de pas faire ses nuits [elle ne les fait pas plus, détail]. Je continuais de pas manger. En décembre, mon moins de 90 livres était heureux de sa vie quand, par plaisir, je mangeais du poulet en boîte avec les doigts. La douleur du dedans, qui pulse, nous ramène au corps. Se lécher les doigts full gras, ça adoucit, momentanément, les battements du souffrant. Comme cette amie chez qui tu squattes qui te prépare un pamplemousse, au déjeûner; la proprio d'un café où tu vas souvent qui, parce qu'à te trouve un air beige, t'offre le café au lait le plus foumalade ever; Tout ce qui te rappelle que la vie peut et doit goûter quelque chose, tu y carbures. J'ai toute photographié. Pour m'aider à ne pas oublier. Le sens, celui du réel et celui avec un "s" majuscule, tient, parfois, dans le menu détail quand tout le reste a crissé le camp.

Fa'que la honte, je disais. La honte de me voir dans cet état. Un état que je préférais cacher, comme je le pouvais. Compter mon argent, devoir faire des choix à l'épicerie, dans les comptes que je pouvais payer et ceux que je ne pouvais pas, me priver de manger pour que les enfants, eux, aient de tout... ce genre d'affaires, là. L'hiver est arrivé, je n'avais pas, encore, de tâche d'enseignement parce que dans le bas de la chaîne alimentaire de la précarité. Je n'étais pas dans un état pour me trouver ni même juste chercher de l'emploi. Je n'avais pourtant pas le choix, vient un moment où l'argent, ben, y'en a plus, t'sais. Pis là, tu te regardes dans le miroir pis tu dis: "Fuck. Me semble que je suis précisément oussé que je ne voulais pas être. Jamais. Me semble que je ne devrais pas être précisément là. Me semble qu'il y a eu un fail quelque part, en chemin.".

On se garde souvent une petite gêne, dans ces moments-là. On se cache. Pis on devrait pas. C'est pas glamour, c'est certain, la précarité dans la vie. Sauf que quand on se cache, quand on se tait, quand on prétend, on s'aide pas. On alimente les préjugés, on alimente son propre malheur. J'écris tout ça et j'ai un petit tremblement, pareil. C'est fort, l'apparence. C'est ce qui nous glu toute ensemble. On aime pas ça quand ça ne sparkle pas suffisamment. Pas nécessairement pour le regard d'autrui, surtout pour le nôtre.

J'ai fini par me trouver un emploi vraiment awesome. Les choses se sont mises à aller mieux. Je suis pas mal loin de ce que j'étais, il y a quelques mois, loin du creux des creux. J'imagine que c'est ce qui me permet de narrer tout ça. J'ai un certain détachement, ça me touche moins, c'est moins "moi".

Mon team d'experts en plans fouarreux est à l'œuvre. Fils et Fille font de l'hébertisme, dans le salon. M'a aller cautionner leur sens de l'intiative pis me rouler à terre. Y fait soleil. Y'a même du vent qui fait flacotter les rideaux. Ouin.

4 commentaires:

  1. Quel courage de relater c égout de vie si difficile... Je crois que tu as toute la force nécessaire en toi et le brin de folie nécessaire pour y arriver, parfois faut descendre creux pour s'en rendre compte... Lâche pas, le soleil est arrivé, le beau temps et tout ce qui vient avec!

    RépondreSupprimer
  2. Merci pour ce magnifique texte qui m'a particulièrement touchée!

    RépondreSupprimer
  3. merci pour ces superbes textes relatant les beaux et moins beaux moments de la vie... étant particulièrement dans un méga creux, tu sparkles mes journées en masse et ça fait tellement de bien à mon ti-coeur! Merci de mettre en mots tout ce qui peut se passer dans notre dedans, je me reconnais tellement et ça fait du bien de te lire!!! ;)

    RépondreSupprimer
  4. Wow! je suis sans mots. BRAVO!

    RépondreSupprimer