Loin de la pente glissante sur laquelle je me trouvais, pente qui est devenue très verticale d'elle-même à ce moment:
Un an et presque quatre mois
Deux semaines. Deux semaines,
toute seule, avec l’enfanterie.
Le Mari a pris ses vacances au
début du mois de juillet. Nous avons joué à « cette époque où nous
n’avions pas d’enfants », ces derniers sont allés à la garderie presque à
tous les jours alors que nous retournions à la maison, seuls. Je comprends que
ça se critique, que ça se juge, que ça se regarde avec l’œil un peu indigné et
le front plissé.
Mais ça nous était nécessaire. Après une fin d’automne à
saveur de mort avortée et un printemps de combat où j’ai passé plusieurs
soirées à arpenter la ville ou à être présente de corps, à la maison, mais
continuellement ailleurs d’esprit, généralement enragé, aussi, l’esprit, nous
avions besoin de temps pour nous retrouver. Être tous les deux. Lire dans un
café, faire la sieste l’après-midi, se promener en se tenant par la main (un
événement en soi, car avec deux poussettes, ça se fait, mais ça complique la
démarche), ce genre de rien qui manque au quotidien, qui font qu’on peut si
facilement s’éloigner, même si on se voit à tous les jours, si on se parle à
tous les jours. Nécessairement qu’on se parle… du [foutu] souper, des poubelles
à couches pas vidées, de la gestion de crise, de stratégies pédagogiques, du
prix de l’essence ou de la météo du jour, ce genre de choses qui aident
tellement à garder deux individus unis et intéressés l’un à l’autre. Quand
vient ce moment où l’autre est essentiellement devenu celui avec qui tu élèves
des enfants, tu te dis qu’en cours de route, il y a eu un fail. Et tu te dis aussi que, même si tout le monde le confirme que
cette période de la vie de la progéniture est la plus difficile et que ça va
s’améliorer, tu peux aider ta cause en réinvestissant ce lieu premier qu’est
ton couple. Faque, c’est vraiment sans [presque] aucun remord que nous les
avons oubliés quelques heures par jour, pendant deux semaines en se disant que
s’ils nous le reprochaient, un jour, nous pourrions invoquer que c’était mieux
cela qu’un divorce... Le réconfort de pouvoir toujours se comparer à pire n’a
pas de prix.
Alors voilà. Je dois assumer les
deux semaines de vacances de la garderie, seule.
14 jours.
Le Mari, je le sens,
comprend plus ou moins, voire pas du tout, cette anxiété généralisée qui me
prend le corps et la tête, à l’approche de ces 14 journées. Nous avons même eu
cette discussion où les mots « enthousiasme », « vacances »,
« enfants » et « moi-même » ont tenté d’être rapprochés. Je
parle de tentative parce que systématiquement, j’ai le regard qui se durcit,
lance des « si j’étais toi, je me tairais avant le prochain mot » et
on atteint rapidement un certain point Godwin : « c’est pas toi
qui… ».
Évidemment que je me sens mal de me sentir mal. C’est l’histoire
de toute cette chose maternante. Ce malaise. Cette peur d’être avec eux, de ne
pas assurer, de ne pas en faire assez, d’être à demi là parce que mon attention sera nécessairement
partagée entre une Fifille qui se voue à la mort à chaque seconde qui passe
tellement elle est un danger pour elle-même et un Fils qui, fidèle à son
ascendance, doit être sous haute surveillance tellement il est le roi des plans
fouareux.
Ça et la crainte de me perdre,
aussi et encore, quelque part en chemin. Je ne sais pas trop comment, mais j’ai
un si mauvais sens de l’orientation en ce qui concerne la Vie que deux semaines
qui se répèteront dans leur forme et leur contenu à être pour autrui sans
arrêt, ça me fait trembler.
Exactement ça. Même malaise, même anxiété, même peur de se perdre.
RépondreSupprimerPis s'en vouloir de ne pas arriver à changer ses perceptions. Parce que, y paraît, c'est le seul moyen... Parce que, apparemment, tout se passe dans la tête...
Je crois que le "s'en vouloir", cette culpabilité, est ce qui blesse le plus, au fond. Ou du moins, cela ajoute grandement à la pression et au sentiment d'isolement. Vouloir voir les choses autrement, se sentir la seule responsable d'un possible aller mieux, là, au bout d'une pensée magique. Esti.
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